A la recherche du sceptre [PV Amaranth]

Comme à son habitude, Arthus rencontrait ses clients à la taverne du coin. Malgré le fait qu’il changeait assez souvent d’endroit, les gens savaient qu’il était présent et arrivaient à lui faire passer des messages. Il commençait à avoir de la renommée. Il en était même à avoir le luxe de choisir les missions qu’il voulait accomplir. Ce n’était pas pour lui déplaire, mais refuser des quêtes lui donnerait une mauvaise image. De ce fait il s’évertuait à ne jamais en laisser une sans réponse. C’était fatiguant, mais ne jamais refuser était l’une de ses règles de base – même si l’on dit que chaque règle à son exception -.
Ce soir là, ce n’était pas encore le jour de cette fameuse « exception à la règle ». Il était déjà attablé dans le coin le plus reculé de l’auberge. La nuit était déjà tombée depuis plusieurs heures et le repas du soir servi depuis bien longtemps, mais l’endroit ne désemplissait pas vraiment pour autant de ses ivrognes habituels. Heureusement, la taille de l’établissement faisait qu’il n’y avait pas tant de monde que ça. Un feu était allumé dans la grande cheminée en pierre de la pièce, et les jeux de lumière faisaient d’Arthus une ombre à peine perceptible dans son recoin.
Il reconnaissait toujours un client lorsqu’il en voyait un – une façon de marcher peut-être, ou une sorte d’aura de mystère les entourant ? -. Malgré l’obscurité régnante, l’homme qu’il devait rencontrer vint directement à sa table, ignorant l’aubergiste lui demandant s’il désirait boire quelque chose. Le tenancier ne s’en formalisa pas, tellement habitué aux bizarreries diverses des alcooliques abonnés.

Habillé sobrement avec une pointe de classe, Arthus pût aisément deviner que c’était un homme qui ne manquait pas d’argent. Aussi le genre d’hommes qui ne passent pas forcément par des biais très légaux pour se procurer les objets de leur richesse. Sans s’encombrer des formalités de base de la politesse, l’inconnu en vint directement aux faits.

« Il faut que vous alliez me chercher un objet. Pas la peine de vous amuser à crapahuter partout, il s’agit d’un sceptre d’un mètre de longueur orné d’un saphir à son extrémité. »

Il sortit une carte montrant les coordonnées exactes d’une cabane abandonnée dans laquelle se trouvait l’objet.

« Il est caché sous l’une des lattes du plancher de la cabane. N’essayez pas de vous enfuir avec, je vous retrouverai quand même. »

L’homme reprit sa carte aussi vite qu’il l’avait posée sur la carte, sans même demander à Arthus s’il avait des questions ou s’il avait bien retenu le lieu. C’était quelque chose d’assez rare, mais Arthus avait déjà rencontré de ce genre d’énergumènes – ils faisaient souvent ça pour se donner un genre, histoire d’entretenir leur air mystérieux et pour passer pour des durs à cuire -.

L’inconnu se leva, fit trois pas vers la sortie et sans même se retourner dit

« Je vous attendrai ici même à cette même table. Vous avez 12 jours maximum. »

Il finit enfin par sortir de l’auberge. Il avait prit soin de laisser une petite bourse sur la table avec quelques pièces d’or pour le voyage, une sorte d’avance, et un papier disant qu’une monture serait attelée à l’entrée le lendemain à l’aube.

Cette nuit là était assez étrange. Arthus n’arrivait pas à trouver le sommeil comme d’habitude. En effet, il se posait trop de questions pour ça. La mission semblait d’une facilité déconcertante, alors pourquoi ne pas juste envoyer un de ses hommes de confiance qu’il aurait pu payer une broutille ? Il savait bien que c’était le genre d’hommes qui connaissait le montant des tarifs pour ses prestations, alors pourquoi lui ? Cette histoire sentait l’embrouille à plein nez et il sut qu’il devrait être toujours sur ses gardes en cas d’embuscade ou de problème que l’inconnu aurait « oublié » de mentionner. Arthus était habitué à parler peu et bien, aussi son manque de questionnement n’était pas du à une simple lacune de lucidité ou de curiosité.

Le matin arriva et comme promis le cheval se trouvait là. La cabane se situait dans la région de Dalverden. Le voyage ne prit pas plus d’un jour et demi, aussi arriva-t-il au crépuscule. Il y avait bien une cabane qui semblait abandonnée à l’endroit indiqué. Arthus descendit de sa monture et s’approcha de la porte étrangement entrouverte.

Arthus vit un rai de lumière traverser l’interstice dans la porte. La main sur le pommeau de son épée, il se dit que ça devait sûrement être le « piège oublié » de son commanditaire et que son intuition sur le fait qu’il risquait d’y avoir du grabuge ne lui avait pas fait faux bond.
Se calant sans un bruit contre le mur en bois gorgé d’eau qui avait l’air de ne plus tenir debout que par opération du saint esprit, il tenta de jeter un rapide coup d’œil par cette ouverture. Malheureusement très étroite, elle lui offrait un angle de vue ne lui montrant qu’un bout de meuble qu’il pensait être une commode. Rien ne pouvant lui indiquer un quelconque danger.
Deux solutions s’imposaient dès lors à lui : soit il tentait d’ouvrir discrètement cette porte, soit il la défonçait d’un coup de pied pour profiter d’un effet de surprise s’il y avait une présence. Le problème étant qu’une entrée discrète serait fortement compromise. En effet, une porte dans cet état risquait de produire un grincement audible à une lieue à la ronde.
Arthus fit le tour de l’habitation pour tenter de trouver une fenêtre ou toute sorte d’ouverture dans le bois moisi pour voir à l’intérieur. De la lumière sortait partout des jointures, mais ces dernières étaient trop petites pour y voir quelque chose.

Soudain, son attention fût attirée par autre chose. Au début, il avait prit ça pour une espèce de grosse bûche de bois, l’obscurité aidant. Mais maintenant qu’il s’en était rapproché, il trouvait cette « bûche » d’une forme très humanoïde. Il s’en approcha encore, restant sur ses gardes et le frappa doucement du bout de sa botte. Pas de réaction. Mais le petit bruit mou que ça avait fait contrastait bien avec le bruit dur qu’aurait fait une bûche, il ne pouvait pas se tromper. Arthus passa un pied sous la forme et la fit rouler pour qu’elle se retrouve sur le ventre. La nuit était nuageuse, mais le ciel avait choisit cet instant précis pour fournir une clarté lunaire suffisante pour voir ce qu’il y avait. Quelque chose était enroulé dans une sorte de kimono. Il souleva un des pans du tissu du bout de la lame de son épée et aperçu un visage mutilé, quelque chose qu’un être humain n’aurait jamais pu faire. A l’odeur, cela devait faire deux ou trois bonnes semaines que l’homme avait été occis. Il resta quelques secondes à regarder sa découverte d’un air grave, puis se dirigea vers l’entrée de la cabane, déterminé.

Il faudrait donc faire une entrée fracassante, chose peu commune pour un missionnaire secret et chose qu’Arthus n’appréciait pas tellement. Mais c’était la seule solution.
Arthus vint donc se placer devant la porte, dégaina son épée, et se tint prêt à mettre un grand coup de pied dedant. Il prit son élan. La porte éclata en morceaux s’éparpillant un peu partout dans la cabane à peine le pied la touchant – elle était vraiment pourrie … - et il bondit en avant.

S’attendant à un monstre sanguinaire, à un mort-vivant ou il ne savait quoi d’autre, il dut avouer qu’il a été surpris d’apercevoir une jeune fille qui devait probablement avoir eu la peur de sa vie. Mais son attention fût immédiatement recaptée par les mains de la jeune inconnue. Elle avait le sceptre …

La bicoque était très chichement meublée. En effet, à part la commode qu’il avait pu apercevoir, une table de chevet avec une lampe et le lit, il n’y avait pas autre chose. Seule trônait au centre de la pièce cette étrange jeune fille aux yeux vairons.

C’était ELLE qui avait fait ça au pauvre homme retrouvé derrière la cabane ? A la voir, elle n’avait rien d’un démon. Elle était même fort plaisante. Pas le genre à déchiqueter les gens à l’aide de ses dents. Néanmoins, Arthus avait entendu parler de métamorphoses et d’autres "rumeurs" sur des magiciens assez puissants pour invoquer des créatures venues d’ailleurs. Si c’était une de ses magiciennes, il savait qu’il était mal barré. En tout cas, encore une fois, elle n’avait pas vraiment le physique qu’il aurait pu s’imaginer pour de telles personnes.

Arthus savait que cette "demeure" ne pouvait être la sienne. Malgré cela, il s’était senti un peu gêné d’entrer comme ça en ayant défoncé la porte. Il y avait mieux comme entrée en matière. Mais la jeune fille ne semblait pas pour autant s’en formaliser.

S’avançant dans la bicoque – tout en restant à une distance raisonnable de l’inconnue – il lança

« Bonsoir. Je m’appelle Syndael … »

Il lança un regard derrière lui

« Désolé pour votre porte. »

Il était un peu déstabilisé devant l’air de la jeune fille. S’attendant à un combat, il était loin de s’imaginer qu’il aurait été accueilli de cette façon. Ceci ne l’empêcha pas d’apercevoir le pommeau d’une épée dépassant du côté de l’inconnue … et surtout d’apercevoir ce qu’elle avait dans la main. Le sceptre correspondait exactement à la description qui lui avait été donnée, il n’y avait aucun doute sur le fait que c’était celui-ci.

« Ou peut-être me cherchiez-vous ? »

Peut-être, oui, il n’en savait rien. L’homme ne lui ayant indiqué aucun danger, il aurait peut-être même omis de lui mentionner que quelqu’un l’attendrait là-bas pour lui remettre le sceptre. Une sorte de test pour savoir s’il pouvait vraiment lui faire confiance, peut-être dans le but de lui donner une autre mission d’une plus grande importance. Vu la facilité de cette quête et l’accueil qui lui avait été fourni, c’était pour lui une des possibilités. Peut-être même était-ce juste un guette-append. Néanmoins, il avait une confiance – un peu prématurée – pour la jeune fille.

En guise de bonne foi, il rengaina son épée et s’avança encore un peu plus dans la pièce d’un air sympathique. De toute façon, vu l’exigüité de l’endroit, ses dagues seraient bien plus aisées à manier qu’une épée longue en cas de combat au corps à corps.

« Ce n’est pas exactement vous que je cherchais à vrai dire, mais plutôt le sceptre que vous tenez. J’ai été envoyé en mission par son propriétaire pour le lui ramener. Pouvez-vous me le remettre s’il vous plaît ? »

Il avait dit cela avec un sourire charmeur, espérant que tout se passe sans encombre, il n’avait pas très envie de se battre avec elle à vrai dire.

Malgré son attirail, la jeune fille n’avait pas l’allure d’une guerrière aguerrie. Sûrement une aventurière du dimanche et sans expérience du combat réel. Néanmoins, Arthus n’était pas du genre à juger d’un simple regard. Beaucoup l’avaient fait avec lui et s’étaient retrouvés avec son épée plantée dans le ventre en moins de temps qu’il n’en fallait pour se dire qu’ils auraient dû y réfléchir à deux fois.

« Je crois que vous vous êtes fait pigeonner en beauté. Réfléchissez monsieur Syndael, combien votre bonhomme vous paye pour avoir ceci? Mille pièces d'or? Deux-mille? Et combien pensez-vous que ce truc en vaille? Je dirais dix ou quinze mille, vu la marchandise. Un saphir comme celui-là et des glyphes tracés à la main, c'est relativement rare dans le métier... »

Combien il allait être payé ? Il n’en savait rien. S’il avait trouvé cet objet en dehors d’une quête il l’aurait très sûrement revendu, mais si on lui demandait de le chercher il le ramenait à son commanditaire. Point. D’ailleurs l’argent n’était pas une priorité ni un problème pour lui, il en avait déjà plus qu’il n’en avait besoin. Il n’était en rien "pigeonné", la valeur réelle de l’objet ne l’intéressait pas le moins du monde.

Amaranth Sinister … un joli nom quoi qu’étrange. Il vit la jeune fille lui tendre sa main. Sûrement s’attendait-t-elle à un baise main, mais Arthus n’était pas au fait de ce genre de mondanités. Il serrait la main des hommes et saluait d’un signe de tête les femmes tout au plus.
Mais avant de ne pouvoir faire quoi que ce soit, quelque chose d’étrange se produisit. Le long sceptre se rétracta pour ne devenir qu’une baguette, un truc qu’il avait déjà vu faire par un ingénieur. Mais apparemment, ici ce n’était pas un mécanisme mais plutôt la magie qui avait réalisé cela.
Comment avait-elle su comment manier l’objet ? Une fausse manipulation ? Un instinct ? Peut-être que c’était un truc de magicien – le "dans le métier" confirmant son hypothèse que la jeune fille était versée dans la magie, ou du moins s’y connaissait -.

Elle n’avait vraiment pas l’air de vouloir lui remettre l’objet. Après tout, elle l’avait trouvé en premier c’était quelque chose qui pouvait se comprendre. Aussi se dit-il qu’un compromis serait la meilleure de choses à entrevoir. Faire couler son sang ne servirait à rien.

« Et bien … si cet objet vaut si cher je peux vous proposer un arrangement. Vous n’avez qu’a venir avec moi et vous le vendrez à mon "bonhomme". Vous gagnerez une belle somme d’argent, et moi je toucherai ma récompense. Tout le monde sera gagnant. »

Ce qu’il omettait de dire, c’est que son client risquait de ne pas apprécier qu’on tente de lui vendre un objet qui lui appartient et qu’il tenterait très sûrement de la tuer. Mais après tout ce n’était pas vraiment son problème, elle n’aura qu’a se défendre. Pour sa part, il aura rempli sa part du contrat en emmenant le sceptre devant son commanditaire.

« Alors, qu’en dites-vous ? »

Il arborait son sourire éclatant propice à mettre en confiance même les plus méfiants et ne s’en départirait pas tant qu’il n’aura pas eu ce qu’il voulait.