Au Milieu des Ruines [Quête]

Doloxel s’était arrêté. Il fixait les trois hommes d’un regard à la fois empreint de panique et de compréhension. Ces gens étaient des victimes de la catastrophe de Yalvin. Ils étaient sûrement des habitants originaires de Denos qui, n’ayant pas voulu quitter la ville pour chercher sur une terre meuble et non désolée des gens qui auraient été prêt à les aider comme des amis ou de la famille (mais peut-être n’en avaient-ils pas, peut-être s’était-elle éteinte au cours de la catastrophe contrairement à eux ?), y restèrent en espérant la survie ; à moins que ce fût de simples paysans habitant peu loin de la ville dévastée ayant migré vers celle-ci car des restes de vivres y subsistaient certainement.

Il se rappela vaguement avoir entendu que la Garde Blanche, la guilde la plus influente de la planète, avait entrepris une expédition afin de secourir toutes ces personnes qui vivaient à présent dans la misère, la faim, la douleur, et surtout dans l’angoisse de voir à nouveau le ciel bleu et clair, dépourvu de cendres le lendemain. La guilde avait quémandé des volontaires, cependant Doloxel avait juste de quoi subvenir à ses besoins et elle n’offrait aucune récompense ; de plus il avait besoin d’argent supplémentaire pour pouvoir rentrer chez lui, à Tolvallis. Mais maintenant qu’il avait en face de lui ces trois victimes de la chute de météorites (même c’en était pas vraiment), il ne put s’empêcher d’éprouver de la pitié – au sens mélioratif du terme.

Il se rendit alors compte qu’il est beaucoup plus aisé d’être sans cœur, inflexible, lorsque les problèmes des autres ne nous affectent pas, mais lorsque qu’on est directement confronté à la misère d’autrui, notre comportement peut changer du tout au tout. Il savait à quel point cette théorie était fondée lorsque l’on se trouvait dans le feu de l’action. Certaines personnes non habituées à la violence et brusquement plongées dans son univers voient leur attitude complètement modifiée ; la personne timide pouvait être téméraire, la personne attentionnée pouvaient s’enfuir à toutes jambes en laissant ses compagnons dans le pétrin. Il sut alors qu’il avait devant lui le véritable comportement des individus lorsque ce genre d’évènement enlevait toute cette crasse qu’était la réserve, l’hypocrisie et le masque. Les trois hommes pour cela avaient décidé de s’allier pour survivre en attaquant des personnes vivant dans un confort plus marqué, mais qui n’étaient aucunement prêtes à tout pour parvenir à leurs fins. Ceux qui faisaient face à Doloxel l’étaient ; elle n’avaient rien à perdre, sinon leur vie. Or elles la perdraient si elles n’agissaient pas. Cela expliquait leur comportement, et bien que Doloxel sût que la vraie nature de ces personnes était profondément égoïste, il ne put s’empêcher de penser que dans une situation normale il aurait très bien put établir des rapports amicaux avec eux.

Mais il éprouvait également de la panique, car il n’avait pas du tout le temps de s’occuper de leur cas. Xarog, Manor, Océa et Amaranth étaient aux prises avec des Chiens de Yeth. Même s’il n’avait que très peu de compétences dans le domaine du combat et qu’il ne possédait qu’une simple corde sur lui, il se faisait un devoir de faire face au danger. Il ne voulait pas donner l’impression d’être un poids pour le reste du groupe. Il regarda soudainement les trois types qui voulaient de lui de la nourriture ou de l’argent (mais que pourraient-ils bien acheter dans une ville en cendres ?) et établi des liens entre les évènements, vit des possibilités naître. Etait-il en capacité de tourner cette situation à son avantage ? Il pouvait peut-être se servir d’eux pour combattre les créatures. Oui, il devait y avoir un moyen. Il effleura leur esprit et sentit leur faim tenante. Soudainement, tout se mis en place dans son esprit et il put mettre en marche le plan qu’il venait de concocter. Il s’adressa alors à ses agresseurs.

« Je vous salue, et j’ai assurément de la nourriture pour vous. Vous permettez que je la sorte ? »

Il ouvrit son sac et sortit une épaisse cuisse de poulet. A sa vue, leur attention se fit bien plus grande mais avant qu’ils s’eussent jeté sur Doloxel, il la leva et l’envoya dans une direction perpendiculaire en répliquant : « Attrapez-là ! »

Sa tactique eut l’effet escompté : ils se précipitèrent voracement sur le butin envolé. Doloxel en profita pour les doubler et mettre une bonne distance entre lui et eux et leur lança : « Suivez-moi si vous en revoulez ! » Il comptait bien, lorsqu’il arriverait à destination, les obliger à combattre les Chiens de Yeth.

Il s’arrête soudainement devant ses compagnons, et remarqua au premier abord qu’une langue de flamme le séparait d’eux. Xarog était juste devant celle-ci et un contact mental lui assura la présence du jeune humain. Il ouvrit un passage en étouffant les flammes de queue et lorsque Doloxel parvint à ses côtés il s’exclama : « J’amène de l’aide. » Il s’adossa ensuite contre un mur et entreprit de reprendre son souffle.

Manor venait de tuer à nouveau un chien de Yeth qui allait s'attaquer à Amaranth. Le Léonin fit le compte. Il ne restait plus que 6 chiens de Yeth. Mais tous commençaient à fatiguer mais il ne fallait pas relâcher leurs efforts. Ils en étaient déjà la moitié.
Soudain, Doloxel apparut dans la ruelle. Il s'adossa à un mur afin de reprendre son souffle. Un air malicieux s'affichait sur son visage. Mais qu'est-ce qui pouvait le rendre si heureux ? Manor le comprit lorsqu'il vit trois hommes en haillons apparaître en criant "Encore messire !" Les hurlements des habitants de Denos attirèrent l'attention des chiens qui, les voyant plus faibles que le groupe qu'ils avaient attaqués initialement, changèrent de cibles et se mirent à leur courir après. Les hommes partirent aussi vite qu'ils étaient venus. Les aboiements diminuèrent peu à peu jusqu'au silence. Manor s'assit sur une caisse et reprit ses esprits. Tous se reposèrent.

"Et bien... Je dois avouer que vous nous avez été bien utile, Doloxel Phyrexion."

Le Léonin attendit quelques secondes, se leva, arrangea ses vêtements et annonça :

"Nous repartons. Tous ensemble cette fois-ci. Doloxel, la carte." Ce dernier lui tendit. Le marchand l'étala sur la caisse et montra un point sur un bâtiment donnant sur le port. "C'est ici que nous allons. Il s'agit du bar où Anis travaillait. Ensuite, nous irons à son appartement si elle ne s'y trouve pas."

D'un accord tacite, ils se remirent en marche en silence.

Beau, c'était le seul mot qui actuellement aurait pu convenir à ce à quoi elle venait d'assister. Elle n'aimait pas s'extasier devant les autres mais pour le coup, notre exigeante Amaranth devait bien s'avouer que, comparable à un ballet classique, les attaques du dragon et les réactions de ses acolytes étaient parfaitement coordonnés. A l'image de quelque marionnette manipulée par une force qui la dépasse, ils avaient été efficaces et précis, juste ce qu'elle pouvait exiger d'une équipe. Enfin, d'une personne. Doloxel semblait s'être montré sur le coup d'une cruauté digne d'une Marquise de Merteuil. Appâter des innocents pour les servir en repas du soir à ces derniers chiens de Yeth qui les poursuivaient avait été une idée pour le moins ingénieuse, et même utile puisqu'ils n'avaient de la sorte pas eu à combattre par eux-même ces créatures squelettiques tout droit sorties d'un livre d'épouvante pour les enfants désobéissants. Brr.

A pas de loup, elle s'approcha du léonin et fronça les sourcils. Son épée négligemment posée sur son épaule, à l'image d'une hache s'apprêtant à la décapiter, elle contemplait en silence la carte que lui montraient les deux hommes. Où avait bien pu passer Ocea? Elle ne le savait pas, mais sa disparition n'était pas bon signe. Enfin bon, au moins elle avait survécu, et ses poumons sifflants qui lentement s'apaisaient la remerciaient de ne pas avoir plus loin poussé le vice de courir, hurler et combattre en même temps. La guerrière émit un reniflement méprisant, réagissant à retardement à ce qu'avait dit Menor. A vrai dire, il lui avait fallu plusieurs secondes avant de s'apercevoir que c'était à eux qu'il s'adressait, et quelques autres encore pour prendre conscience du contenu de ses paroles. Doloxel uniquement? Allons, future descente de lit, une équipe ne se compose pas que d'une personne. Et s'il n'y en avait qu'une à retenir, c'était elle. Non mais.

Malgré sa réticence affichée à suivre le groupe, elle se mit en marche tandis que le dragon planait au dessus, derrière ou bien dans n'importe quelle autre direction, qu'en savait-elle après tout. Le goût du sang passé, elle ralentit doucement le pas et rengaina son arme, réfléchissant avec un sourire. Si Anis était vivante, ce qui n'était qu'une supposition, le centre ville n'était qu'un amas de pauvres cannibales et d'autres créatures malsaines. La preuve en était de la péripétie qui les avait menés tous ici.

"

Et si on ne trouve qu'un cadavre?

"

Ces mots lui avaient échappé malgré elle, Amaranth mordit violemment sa lèvre pour s'empêcher de dire une autre bêtise du genre. Quelle idiote. Bien sûr, elle le pensait, mais elle avait appris à se taire toutes ces années. Et pourtant, sa parole dépassa sa pensée qui se transforma en un balbutiement incompréhensible avant de ressortir, rauque et effrayant :

"

Je veux dire, cette ville est un champ de ruines, on trouve des cannibales, des monstres et peut-être même des lépreux...

" Un râle de mourant lui donna raison, elle haussa les épaules en pointant ses yeux et ses index en direction de là d'où ils venaient. "

A supposer que la petite Satin, non, Aerith, ou bref, ait survécu, dans quel état pourrait-elle se trouver? Peut-être même que mister fourrure nous mène en bateau jusqu'à la mort, et nous on fait confiance aveuglément à la boule de poils sous prétexte qu'elle va nous offrir un bon paquet d'argent à la clef.

"

Elle s'arrêta, bras croisés sur la poitrine.

"

Je ne veux pas jouer ma mégère paranoïaque et complètement détraquée mais... ça ne me donne plus franchement confiance. Non pas que je me défile, mais vous pourriez très bien être des assassins manipulateurs ou que sais-je encore.

" Elle posa ses doigts sur ses tempes, prise d'un très lourd mal de tête. "

Ou bien je me tarabiscote l'esprit pour ne rien dire et je ferais mieux de me taire et d'avancer.

"

Son œil marron fixa intensément Doloxel et le léonin, attendant une réponse. Le dragon même aurait pu lui mettre un coup de queue pour la réveiller ou l'assommer, mais elle se sentait tout bonnement... ridicule. Oui voilà.

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