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Nombre de messages : 135 Date d'inscription : 04/08/2009
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| Sujet: Re: Informations complémentaires Mar 19 Jan - 23:50 | |
| HISTOIRES ET ANECDOTES DE NEÏLIONA Par Amaranth Sinister (concours n°1) :Je vaincrai. ou Le Cambriolage d'Unomav
Chapitre 1 L'incroyable projet
- Spoiler:
"Tu es complètement malade Nathanaël ! Complètement fou, renonce maintenant, avant qu'il soit trop tard!"
Ces mots tournaient en boucle dans mon esprit embrumé, comme une litanie apprise par cœur qui venait me persécuter jusque dans mon sommeil. Peut-être étais-je réellement fou, mais quand la misère et la faim me tiraillaient les entrailles au point de m'allonger en position fœtale pendant des jours sur un tapis de paille, je n'étais plus en mesure de voir ce qui était fou, ce qui ne l'était pas. Je ne voyais plus que ce qui me servirait, et ce qui était à laisser de côté. Je me retournai sur ma paillasse, mon regard clos papillonna lentement, il était temps de se réveiller. Jamais je n'avais voulu fâcher personne, mais vivre comme un animal, sans avoir le droit de penser, sans avoir le droit même d'émettre une once de protestation sous cette soit disant démocratie dirigée par une oligarchie dominante me mettait hors de moi. Au sens propre. Les coups bas des gardes de la ville, je ne les comptais plus. Les vols de pommes, de pain, de radis en catimini sur les marchés, je ne les comptais plus. Mais ce que je comptais depuis maintenant quelques mois, c'était ce gros coup qui allait éclater dans quelques jours. Ma petite vengeance personnelle contre la Garde Blanche qui ne se préoccupaient que de la Gloire et la Fortune, et laissaient les misérables dans leur fange.
Aussi loin que ma mémoire remonte, j'avais toujours vécu à Sitharis, comté principalement marchand de Linoa, par sa position centrale et sa banque réputée pour prêter à tour de bras : Unomav. A tours de bras est très rapidement dit, Unomav prêtait sans être regardante... aux riches. Ceux qui, comme moi, étaient nés d'une folie de garde avec une serveuse aux formes aguichantes dans une taverne n'avaient bien sûr jamais eu accès à ce genre de privilège. Je n'étais pas un ignorant, il ne faut pas croire des imbécilités de ce genre non. Je savais lire, écrire, compter et même en partie discourir, c'était le patron de la taverne qui me l'avait appris. Et surtout, j'avais un don. Un don tant effrayant que pratique qui m'avait permis de rejoindre un petit groupe de "comme moi" qu'on avait par la suite nommé les Misérables, par pure ironie. Notre spécialité à nous, c'était le vol. A petite comme à grande échelle, on se faufilait la nuit venue dans les demeures les plus riches qui peuplaient la ville comme autant de bourgeois arrogants, et on piquait tout. De puis la dentelle des culottes de madame jusqu'aux boutons de manchettes de monsieur en passant par le monocle du majordome. Et après, on revendait tout, et c'était comme ça qu'on avait commencé à se faire un sacré paquet de blé. Mon don me direz-vous? Au delà de ma beauté divine, de mon corps d'adonis et de ... oui bon bon d'accord, j'arrête, de toutes façons qu'importe, j'ai à présent le temps pour vous raconter.
J'avais dix-sept ans, tout juste, quand je me suis rendu compte que je n'étais pas comme les autres. Depuis toujours j'avais été un insupportable gamin. Tout petit, je mordais le sein de ma mère, qui m'avait donc jetée au premier orphelinat qui passait. Un peu plus grand, je flambait les tresses des filles, je pissais sur l'oreiller des autres et je hurlais en pleine nuit alors que je n'arrivais pas à dormir en prétextant un cauchemar affreux. Et tout le monde venait me consoler. J'avais réussi, en était parfaitement ignoble, à m'attirer la sympathie de tous. J'étais le "pauvre petit" qui, abandonné par une horrible mégère, avait besoin de soins particuliers. Tu parles. J'adorais quand la gentille Marie venait me consoler. Je me blottissais contre ses atouts et je m'endormais, pour de bon. Mais je m'égare. La question n'est pas là. En grandissant en parallèle entre l'orphelinat et la taverne où j'avais mystérieusement été engagé pour laver le sol, j'avais appris quelque chose de bien utile : imiter les autres. C'était quelque chose d'étonnamment facile, chacun était une somme de préjugés et de stéréotypes qui, tassés les uns sur les autres, donnait un être plus ou moins humain et incroyablement complexe. J'observais en silence, lorsque j'étais en pose, la mégère jalouse, l'homme adultère, la serveuse timide et son bellâtre qui ne voyait rien de tout l'amour qu'elle souhaitait lui porter, le mystérieux voyageur sous son capuchon, le patron de taverne bon enfant et magnanime, le soulard pauvre et misérable. Et toutes ces personnes, j'avais appris à les copier. L'étrange vint ensuite.
Un soir, alors que j'allais me coucher bien après tout le monde, mon corps me sembla bizarre. Il était chaud, mou et surtout, pas maigre du tout, pas à l'image du mien. J'avais des frissons dans tout le corps, mon visage me semblait rond, mais qu'est-ce que je pouvais avoir faim.. Je n'avais alors en tête que la figure de cette douce et appétissante Leïla, la nouvelle serveuse de la taverne. Ses lèvres pulpeuse, sa moue boudeuse, ses belles boucles blond doré, et ses yeux d'un vert de jais magnifique. Douce et tendre Leïla... Je décidai d'aller me débarbouiller, la salle de soin était légèrement ouverte, la bassine d'eau me ferait le plus grand bien. Le regard fatigué, je pris une lapée d'eau pour me l'appliquer sur le visage. Je ne fis même pas attention au fait que ma barbe naissante n'était plus là. Je redressai la tête. Mon regard se fixa sur mon torse. Ou plutôt.. ma poitrine ?
"Qu'est-ce que c'est que ce cirque?"
Je sursautai. Cette voix qui venait de sortir de mon gosier était tout sauf la mienne. J'avais une belle voix masculine, douce et éreintée par le travail. Mais ça, c'était... je plissai les yeux et allumai la bougie, je me penchai vers le miroir. Et restai ébahit. Des boucles blond doré couvraient mon visage et descendaient jusqu'à ma... poitrine? Mes yeux avaient la même forme que d'habitude, mais ils étaient d'un vert vif, bien trop vif que je n'avais jamais vu. A part peut-être lorsque j'avais écrasé ce cafard particulièrement dégoûtant. Mon dos s'arquait élégamment jusqu'à un fessier pour le moins rebondit. J'étais une semi femme dans mon propre corps. Qu'est-ce que c'était que ce cirque? Ma barbe avait disparu, mon visage anguleux restait le mien, mais mes cheveux, mon corps... et... je me mis la main au paquet. OUF! C'était encore là. J'étais donc un beau travesti involontaire, au milieu d'une salle de soin d'un orphelinat. J'avais une voix de femme. Il me fallut du temps pour comprendre que c'était l'ouverture la plus simple vers la liberté. Sans réfléchir, j'allai me coucher, en préparant mes affaires pour partir le lendemain. Je venais de comprendre que j'étais métamorphe. J'avais la capacité de copier quiconque, le mélangeant à une autre personne. Un elfe blond aux yeux violine n'était qu'un mix de plusieurs personnes. Je m'accommodais rapidement de ce nouveau mode de vie, et décidai d'aller voir de par le monde ce qu'il s'y passait. C'est ainsi que je rencontrai Lucius, un Persécuteur, et plus particulièrement Tarja, une petite magicienne qui cachait bien des surprises.
Maintenant que vous avez pris conscience de ce que je peux être, je peux en revenir à ce fameux jour. Le jour où Tarja, la délicieuse petite brune aux yeux noisette et à la voix de cristal m'avait pour la centième fois convaincu de renoncer. Avant que Lucius à son tour ne me convainc de poursuivre mes idéaux. C'était un combat constant entre nous trois, qui de nous avait raison? J'avais alors à peine vingt-deux ans, et je crois que la facilité déconcertante avec laquelle nous cambriolions les demeures riches alentours m'était montée à la tête, car le projet que j'entreprenais était d'une folie qui m'a mené à ce que je suis. Piller Unomav.
Cette banque arrogante qui se dressait juste sous notre nez avec chaque jours ses chargements d'or qui rentraient et sortaient, non décidément nous ne pouvions décemment pas laisser faire ceci. Il fallait agir. Le plan était simple, nous savions bien entendu que ce ne serait pas facile, mais mes récentes capacités de transformation animale me permettraient sans aucun doute de pénétrer sous forme d'un rat à l'intérieur de la banque. La suite ne dépendrait que de Lucius, et de Tarja. Mon plan était fou, mais ça en valait la peine, ouais. Et c'est comme ça que toute cette galère a commencé.
Chapitre 2 Unomav, nous voilà - Spoiler:
Le jour commençait à décroître au loin lorsque je me décidai à passer à l'action. Sous ses tonnes de loques enchevêtrées les unes dans les autres, un clochard vraiment maigre venait à se redresser, ses chicots branlants claquaient avec bruit dans sa mâchoire défoncée à l'alcool. Il se leva, tourna à l'angle de la rue, et disparut. Dans la petite ruelle m'attendait une calèche, pas une superbe calèche de riche non, enfin, si, mais pas aussi riche que ce à quoi je m'étais attendu. Le plan était simple, clair et concis. Il fallait rentrer dans Unomav sous la forme la plus dérisoire et détestable qui fût. Tarja, Lucius et moi n'avions pas été élevés chez les porcs, enfin, presque, mais nous étions tout de même au courant de ce qui pouvait se passer dans notre ville, or, nous savions que le directeur d'Unomav, Monsieur Renfield, avait en tout et pour tout sept filles. Oui, sept filles, autant dire qu'il n'avait pas dû s'ennuyer avec sa femme celui-là, mais bon passons, j'avais passé quelques jours à proximité de la banque, au milieu des rampants (des gens d'un âge extrême qui n'avaient plus que leurs loques pour pleurer et qui, faute de force, rampaient littéralement pour l'aumône) et j'avais pu voir quelques fois d'élégantes ladys sortir de calèches comme celle qu'on venait de voler.
Gentille douce et agréable, la plupart des filles Renfield étaient comme ça. Mise à part Veronica. Veronica était la petite dernière de ce cher bourgeois, la plus belles de ces filles, un visage blanc comme neige et une grâce à en damner un saint, mais elle était aussi d'une arrogance, d'un toupet et d'un désagréable qui aurait fait s'arracher les cheveux de la tête au plus patient des sages. Enfin, vous l'aurez compris, j'avais choisi de pénétrer dans la banque sous les traits de cette pimbêche hargneuse. Dans la calèche m'attendait ce cher Lucius qui, vêtu d'un habit de lord rajustait son monocle. Tarja à ses côtés lisait paisiblement, dans une robe de ville certes vieille et poussiéreuse mais tout de même potable pour une boniche. De lady, cela va sans dire. Vinrent les dix minutes les plus horribles de ma journée. Celles pendant lesquelles je devais imiter les traits de cette détestable personne. Je n'ai rien contre me métamorphoser en homme, oh non, disons que généralement un peu de poils et du gras au bide, ça suffit. Lorsque c'est une femelle, l'histoire est autre. Des hanches rondes et une taille fine, pour que que ce soit une bourgeoise elle a un visage rond et une poitrine magique (au sens propre du terme), et là, j'étais tombée sur un sacré bout de gratin. Miss truie aux guiboles longues elle-même. Après la douleur vint l'humiliation, les joues rouges de Tarja et les remarques cinglantes de Lucius, puis j'étouffai dans un corset riche et une robe lourde, enfin, après ce supplice insupportable, l'heure de passer à l'action arriva.
Lucius sortit et ébranla la carriole qui ne fit pas dix mètres avant de s'arrêter devant la porte de service de la banque. Je met mis à rire comme une pimbêche, passant ma tête chapeautée par la fenêtre, et héla "mon doux Lucius"
"Oh, Sir Edouard, sommes-nous arrivés à bon port?"
Je le vis grincer violemment des dents, il avait rigoureusement horreur de ce stupide sobriquet. Mais il fallait bien mettre un peu de piment dans toute cette histoire, sinon où était l'intérêt de la chose?
"Oui Lady Renfield, nous sommes arrivés." "Dans ce cas QU'ATTENDEZ VOUS POUR VENIR M'OUVRIR, EMPOTÉ !"
Premier petit coup de poignard à l'égo démesuré de mon petit blondinet, je savais qu'il fallait se dépêcher, ou il craquerait avant notre entrée et nous serions chocolat. Tous les trois. J'entendis la douce voix de Tarja me rappeler que "Dame Renfield, ne vous fâchez pas contre ce pauvre bougre, il ne sait pas reconnaître une femme de marque lorsqu'il en voit."
"Taisez -vous, insolente! Oh et puis."
J'enfonçai la porte sans aucun élégance, déboulai comme un chat enflammé sur le pavé, jurai (sacré nom d'une pipe en bois!) puis, avec toute l'élégance due à mon rang d'emprunt, dressai le dos, courbai mes reins et pris une grande inspiration qui fit grincer mon corset, avant d'avancer à pas conquérants vers les deux gardes de service à l'heure de la relève.
"On n'entre pas sans invitation, désolée Dame Renfield." "Comment? Depuis quand ai-je besoin d'une invitation, monsieur? Je suis littéralement... outrée par votre comportement, allez, bougez votre gros derrière de devant MA banque et laissez-moi passer."
Je les vis se lancer un regard qui avait tout l'air d'une pointe d'exaspération craintive. Allez mes petits cocos, ils n'allaient tout de même pas chercher à vérifier mon identité, si? Il fallait que je reprenne le dessus intégral de la situation, et vite. J'avais certes l'air d'un crétin fini, mais il était temps de risquer sa peau.
"LUC...EDOUARD, montrez à ces messieurs qu'on ne fait pas patienter Lady Renfield je vous prie."
Ma voix eut un sursaut dans le grave qui me tira une vive grimace de honte. Un adolescent en pleine mue aurait produit le même effet, les gardes se fixèrent en silence, sceptiques, tandis que Tarja arrivait à la rescousse, escortée par Lucius.
"Milady, calmez-vous je vous en prie, ils ne savaient pas, laissez-les, nous allons vous faire couler un bain dans les appartements de votre père, cela vous sied-il?"
Parfaite, rigoureusement parfaite et adorable, Tarja était d'un naturel dans son rôle de boniche soumise qui m'aurait fait me sentir tout chose si j'avais encore eu la chose. Hum. Enfin, ces gros lourdauds se décidèrent à se bouger le cul. C'était pas tellement trop tôt, comme aurait dit l'autre, mais le résultat était celui attendu : nous étions rentrés par la voie qu'on s'était tracés, et quelques incantations plus tard, une jolie barrière magique recouvrait le tout, obstruant à quiconque l'entrée de ce côté-là. Pfiou, et bien, jusque là nous l'avions échappée belle, j'étais certes passé pour une pimbêche au melons plus volumineux qu'un demi-cerveau mais nous étions à l'intérieur. Lucius rodait, vérifiant tout autours qu'il n'y avait bien PERSONNE ici pour venir nous embêter. Au pire, il interviendrait. Lucius était un chic type, un peu mégalo et frivole pour son âge, mais un chic type tout de même. Et surtout, il était effrayant. Il avait développé au cours de sa vie un don absolument horrible que je n'aurais pas souhaité avoir moi-même, celui de faire souffrir. Mais pas un simple sadisme, non, s'il ne vous avait pas dans la peau Lucius, il pouvait vous faire vous tordre de douleur par un simple pointage du doigt. "Souffre" était le seul mot qu'il avait à prononcer, et selon votre carrure et votre résistance à ce genre de zozo, vous aviez plus ou moins mal. Autrement dit que moi pour mes côtes saillantes et mon manque flagrant d'apprentissage magique j'avais pris une sacrée dérouillée le jour où il avait décidé de s'en prendre à moi. Mais ceci est une autre histoire, je vous la raconterai un autre jour, revenons à notre banque, donc.
La banque, ou plutôt son intérieur, ressemblait trait pour trait à une vieille grotte pas franchement propre et pleine de boyaux. En somme, à un corps monstrueux d'où partaient depuis un cœur (un escalier en colimaçon juste devant nous) des dizaines et des centaines de bras qui débouchaient sur... sur on ne savait pas trop quoi. Ma petite mage adorée était accroupie sur sa carte en peau de mouton, occupée à fouiller entre les lignes le chemin qui nous mènerait au plus gros coffre : celui de Renfield même. Elle chuchotait une douce mélopée en effectuant des signes étranges avec ses doigts. Quelque chose me fascinait chez Tarja lorsqu'elle usait de la magie, c'était son sérieux, et son décalage avec le monde. Ses yeux semblaient englober l'espace et ne se fixer sur rien à la fois, sa peau irradiait d'une douce lueur bleutée qui émanait de son tatouage ventral, la lumière dépassait les étoffes et faisait l'effet d'une luciole. Je l'observais avec une pointe d'amertume. Elle était tellement meilleure que moi... je me perdais dans ses yeux chaque fois qu'elle se penchait sur une énigme qu'elle résolvait à l'aide de la nature, des dieux ou de que sais-je encore. Enfin, lorsqu'elle s'arrêtait, je retenais mon souffle.
"Montre-moi la voie."
Une fine ligne d'étincelles blanches courut de la carte à Tarja, fit un tour de ronde, bousculant Lucius, mettant le feu un bref instant à un mouton de poussière puis se mit à détaler le long des marches pour disparaître dans les ténèbres. La route était visiblement toute tracée, nous n'avions plus qu'à suivre la ligne de poudre noire et les coffres seraient à nous, pour peu qu'on ne se fasse pas tuer en route. Je me levai, et enfilai une chemise et un gilet de cuir, plus confortable pour le sac d'os que j'étais redevenu, m'apprêtant à suivre ma folie jusqu'au bout, lorsqu'un éclat de voix nous parvint. Lucius nous fit des yeux de chat entubé par une plante carnivore et nous nous cachâmes derrière un tonneau, écoutant attentivement ce qui se passait derrière. Des hurlements hystériques de femme capricieuse et des rires gras nous venaient du dehors. Un instant, une énorme boule se forma au creux de mon ventre, et ce n'était pas à cause de la présence de Tarja.
"Puis que je vous dis que je SUIS Lady Renfield, vous êtes ridicules, des usurpateurs, des comédiens dans une peau de porcs, poussez-vous de là ou... ou je le dirai à mon père !"
Les rires redoublèrent encore, je me penchai vers Lucius pour lui demander entre deux rires s'il ne valait mieux pas filer...
"Tu es dingue, s'ils descendent, on est foutus, il paraît qu'ils ont invoqué des démons pour protéger ces trésors."
Des démons? Ce n'était pas au programme ça. Je m'apprêtais à le traiter d'abruti autiste lorsque la porte par laquelle nous étions entrés vola en éclats. Une masse de chair s'éclata face contre terre- compte tenu du bruit de céramique brisée, la chose avait dû se péter les dents- et une forme entra. Un rythme lent et régulier de talons aiguille marqués par un froissement d'étoffe me fit dresser les cheveux sur la tête. Ça sentait pas bon. Ou bien mon père était un chien de Yeth en tutu. Tarja tremblait à côté de moi, je lui fis signe de se taire, très agacé par le bruit et m'obligeai moi-même à cesser de respirer. Les pas semblèrent s'arrêter, une ombre menaçante se profila par dessus nous, Tarja émit un cri plaintif, se prit une baffe, et chuchota un "connard". Les pas semblèrent s'éloigner, je me redressai bruyamment avec un énorme sourire.
"Pfiouuu, et bien on l'a échappé belle, si cette salope de Lady pince-moi-le-cul-j'aime-ça nous avait attrapés, on aurait été dans une sacrée mouise. Allez, on ne traine pas ici, magnez-vous le train."
Je me souviens exactement de la suite. De cette horrible suite qui, contrairement à n'importe quel récit épique raconté aux enfants, ne se finit pas par la mort du dragon. Une main gantée me tomba violemment sur l'épaule. Je n'osais plus me retourner. Alors, alors un grincement sinistre, la main avait sorti un de ces nouveaux pistolets à flèches, l'arbalète automatique, et bonnement et simplement abattu une Tarja terrorisée qui tremblait comme une feuille contre son mur. Je n'avais pas réagi. Ça m'avait sur le coup semblé tellement irréel que c'en était absurde, aussi la mort effective de la fille que j'aurais un jour pu aimer au grand jour ne me fit rien. La vengeance n'attendit pas ma réaction, la seconde d'après un hurlement d'agonie absolument horrible me fit faire volte face, Lucius, le visage tordu par la douleur, grognait à la lady de souffrir, je me jetai sur lui. Ce n'était plus la peine de se battre, il valait mieux s'enfuir. Fuir vite et laisser Tarja. Tarja derrière nous? Le regard rougit par une haine violente, Lucius s'était tourné vers moi. La peur me fit blêmir.
"SOUFFRE."
NON! Mes membres me lâchèrent les uns après les autres, je m'effondrai à l'image d'une poupée de chair aux côtés de la Lady, hurlant à n'en plus reconnaître ma voix cette souffrance qui me brûlait les viscères et chauffait ma peau à blanc, je n'étais plus là, j'étais absent, en dehors de ce monde et de cette réalité, j'étais. Non, je n'étais pas mort, mais c'était tout comme, tout ce que j'avais planifié, selon un schéma de success story digne du plus grand roman d'aventure s'avérait être un fiasco. C'était pas au programme, que l'allié trahisse avant le trésor. Je levai un regard suppliant vers Lucius, la douleur me perfora les poumons, enfin, il pointa son doigt vers la belle lady qui soufflait entre deux attaques, devint blême, et cracha entre ses dents.
"Meurt."
A l'unisson, une dizaine de couteaux vinrent déchirer mon coeur et ma conscience, Lucius hurla. MEURT, MEURT, MEURT! Je me roulai en boule, en proie à une folie douloureuse, me forçant à me convaincre que tout cela n'était qu'un mauvais rêve. Qu'un simple mauvais rêve, innocent, imbécile, un rêve prémonitoire d'El Dorado trop vite oublié, un rêve qui me prévenait que... que j'étais trop étranger au monde pour réussir à m'y faire une place. Meurt, la lady poussa un râle, je ne vis que la cuisse armée d'un garde, et perdis conscience.
Chapitre 3 Un rêve éclaté - Spoiler:
Je crois que vous aurez compris, de la façon détachée dont je vous ai narré cette navrante aventure, que je ne suis plus moi. On me dit fou, alors on me laisse, dans ces geôles. J'ai été reconnu par un ivrogne comme le frère de Lady Renfield, j'ignorais même qu'il avait eu des fils celui-là. Quelques heures plus tard j'étais un prétendant écarté qui avait tué deux gardes, une lady, une pauvre servante et même un jeune homme de bonne famille. J'ai laissé une part de moi-même dans cette histoire. J'ai laissé mon cœur, ma raison et mon espoir dans cette maudite Unomav. Vivre avec le regret ne m'avancerait pas, je me contente de me dire que ce n'était pas moi, mais un autre. Un autre Nathanaël que celui que je suis, croupissant au fond d'une geôle où ne filtre le soleil que par les trous qui laissent entrer le froid en hiver, les rats pendant les épidémies et la chaleur en été. Croyez-moi ou non, mais cette affaire a fait un bruit énorme. Je suis connu comme le fou aux milles visages, le truand des bourgeois. Suite au meurtre que j'aurais commis dans ces souterrains, j'ai été accusé d'un crime qui avait eu lieu à la même heure à l'autre bout de la ville, d'un suicide collectif et même d'une pendaison ainsi que de l'arrachage de l'ongle du gros orteil de la grosse Bertha, la cuisinière Renfield. Que puis-je faire ici? Attendre que la mort vienne me chercher? La vie mérite d'être vécue, alors je la vivrai pour Tarja, et pour Lucius, je sortirai, vêtu de ma plus belle féminité.
"Hey beau mâle..."
Je m'approche des barreaux, tend une main blanche de Renfield à travers le barreau et aguiche le garde.
"Ça te dit de t'amuser un peu avec une pauvre prisonnière."
Je reçois une sacrée mandale dans la figure, accompagnée d'un crachat. Je crois que ça veut dire non. Mais un jour, je le promet, je sortirai d'ici. Et Unomav n'aura plus qu'à bien se tenir.
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